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Maitre de Cérémonie : Alain Daguzan

Maitre de Cérémonie, Alain Daguzan, dirige les commémorations de la commune d’une voix ferme et d’une main experte. Un talent qui ne fait nul doute quand on connait son passé et sa présidence de l’ Union Nationale des Combattants-Alpes

Petit déjà il voulait être militaire "pour faire la guerre"

Il est né à en 1959 à Rabat au Maroc de parents français
A l’âge de 1 an, ne supportant pas le climat, Alain est mis dans un avion (seul avec une infirmière) pour un retour en France où l’attend sa grand-mère qui va le recueillir durant 1 année dans la Mayenne, avant le rapatriement de ses parents.
Dès l’arrivée de ceux-ci, ils partent vivre à Tours. Petit, Alain a toujours voulu être militaire « pour faire la guerre ». Il s’engage à 17 ans et demi dans « la Coloniale » rebaptisée « les Troupes de Marine ».
En 1976, il intègre le 3ème Régiment d’Infanterie de Marine de Vannes (3ème RIMa) qu’il servira 20 années. Le 3ème RIMa est un des premiers régiments entièrement professionnalisé, composé de garçons « ordinaires » mais aussi de garçons venant de maisons de correction… Un choc pour Alain, élevé uniquement par des femmes suite au divorce de ses parents : sa mère, sa tante et sa grand-mère. « Le plus dur, dit-il, fut l’entrainement physique. On nous poussait à l’extrême pour acquérir des automatismes, pour que notre mental s’habitue à aller au-delà de nos limites et avoir des actes réflexes au combat ».
Par la suite, il enchaine 18 missions extérieures, allant du Gabon, au Tchad, Centre Afrique, Djibouti, Rwanda et Bosnie…et deux séjours outre-mer de deux années.

Deux missions le marquent au plus profond de lui-même.

la guerre des grands lacs

Le RWANDA, génocide et guerre civile entre Hutus et Tutsis, la guerre des grands lacs. « Les massacres commencent en avril 1994 et la France a décidé d’intervenir au Rwanda sous résolution de l’ONU. Nous sommes arrivés en juin dans ce pays qui était un charnier à ciel ouvert”, se rappelle Alain Daguzan.
“Nous avons sauvé des centaines de Tutsis rescapés des massacres et nous avons créé et défendu une « Zone Humanitaire Sûre » pour recueillir les centaines de milliers de réfugiés Hutus qui fuyaient les exactions du Front Patriotique Rwandais venu d’Ouganda. Mais hélas, les ONG, que l’on attendait pour fixer ces réfugiés, ne sont jamais venues au Rwanda.
En fin de mission, sur la route du retour, nous avons encore été plongés dans l’horreur ! Sur les 30 km d’une route reliant Sake à Goma, au travers cette fourmilière humaine de réfugiés Hutus, des centaines de cadavres de victimes du choléra et d’autres infections, étaient déposés sur le bord de la route. L’odeur de la mort était insupportable. « Ce qui choque aussi et nous marquera à vie, c’est le barbarisme du génocide et le fait que les génocidaires ont été aussi « monsieur tout le monde ».

Exode Hutus

” Nous avons assisté à l’exode massif de centaines de milliers de Hutus qui formaient des chenilles humaines sans fin vers Goma et Bukavu au Zaïre “.

les enfants et la guerre

” Harassés et affamés, ils abandonnaient parfois leurs jeunes enfants au bord de la route, pour qu’ils puissent être sauvés par les patrouilles de l’armée française “.

Sarayevo

« Au Rwanda nous avons vu la mort des autres, mais là, à Sarajevo nous avons vu la nôtre ! » se souvient Alain Daguzan.
” Le siège de Sarajevo durait depuis 4 années. Arrivé en mai 1995, sur nos postes d’interposition, nous avons été la cible de tous les belligérants. Armes d’infanterie dont les fameux « snipers » et armes lourdes. Des camarades aussi ont été pris en otages par les serbes. 16 casques bleus français ont été tués dont 3 au bataillon plus une centaine de blessés pendant les 4 mois de notre mandat.…” Les combats ont été incessants jusqu’à la fin août.

Le retour à la vie civile

Après deux autres opérations en Bosnie, il part 2 années en Martinique, seul car son ex-épouse n’a pas voulu le suivre.
Blessé aux oreilles, Alain Daguzan est muté à son retour à l’État-Major du COFAT à Tours où la encore son ex-épouse refuse de le suivre. De plus, après 25 années en compagnie de combat, il ne trouve pas sa place dans ce milieu bureaucratique et demande rapidement sa mise à la retraite. Il gagne son divorce et repart à zéro.
Retour à la vie civile ! Une petite anecdote amusante qu’il nous confie « Je me présente dans une agence intérimaire avec mon cursus militaire de sous-officier supérieur, bardé de décorations…; et là, la réponse du directeur d’agence me laisse pantois « Mais Monsieur qu’est-ce que vous voulez que je fasse de vous ? » Ça fait bizarre, reconnu et respecté dans l’armée, je ne suis plus rien dans le civil ».
Après avoir fait des petits boulots et connu le chômage, il travaille comme cadre dans une grande entreprise à Paris, puis travaille sur Lausanne, puis se retrouve à Amphion les Bains à la SAEME… puis de nouveau en Suisse en tant qu’agent de surveillance et de sécurité à l’École Hôtelière de Genève.

Les souvenirs dévastateurs

Mais les souvenirs resurgissent. Sous cette carapace d’homme de guerre, forgée pour surmonter toutes les situations même les plus insupportables, se cache un homme rempli d’émotion et de sensibilité. Les séquelles de toutes ces années sont sous-jacentes.
Alain nous avoue
« En 2010, alors que je bricolais chez moi, alors que je n’y avais jamais pensé, j’ai commencé à avoir des flashs du Rwanda de quelques secondes…, des images de cadavres mutilés, des odeurs de morts… puis des flashs d’une minute… et ça n’a cessé de grandir et d’envahir mon esprit ». Il en arrive au point de ne plus dormir.
L’alcool devient alors une porte de sortie pour lui permettre de retrouver le sommeil. Par hasard, sur les réseaux sociaux, il retrouve le Capitaine-médecin de son bataillon à Sarajevo et il va le consulter à Angers. Ce dernier le dirige immédiatement à Paris au Val de Grâce. Pendant 3 années, tous les mois, il ira consulter et
« videra son sac »…
Le traitement médicamenteux est lourd et il devient un zombie, sans plus aucun sentiment !
L’électrochoc viendra d’une de ses filles, précisément d’une lettre qu’elle lui adresse en lui disant
« qu’elle perdait son papa ».
De là, « j’ai tout arrêté » dit-il avant un long silence… « avec l’aide de mon épouse qui a été d’un courage exemplaire, de ma famille et de vrais amis, la paix de l’âme est, pour l’instant, revenue. J’ai aussi puisé mes forces dans mon honneur de soldat, dans la mémoire de mes camarades tombés au hasard des missions et dans l’aide que je dois apporter à ceux qui restent et qui en ont besoin ».

Alain Daguzan : Maitre de Cérémonie
Maitre de cérémonie Publier
Alain Daguzan

Avec un tel vécu, les commémorations dirigées par le Maître de Cérémonie et Président de Union Nationale des Combattants-Alpes Alain Daguzan, ne peuvent avoir qu’un éclat de sincérité et de respect pour tous ceux qui ont été victimes de ces conflits passés.

« Parce qu’il est seul à pouvoir regarder la mort dans les yeux, seul le soldat est un homme libre» Richard Hoffmann / Paroles de Poilus

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