Françoise Vason, fille de Joachim Cottet déporté, raconte :
« En ce jour, je suis vraiment en communion avec mon papa. Il nous parlait très peu de cette période où il était déporté. Il nous donnait des anecdotes, il nous disait qu’il ne fallait surtout pas jeter le pain, finir son assiette, et nous rappelait sans cesse : « j’ai tellement eu faim »
Mon papa a été arrêté le 25 Décembre 1943 au Château d’Habère-Lullin. Cette tragédie a fait 31 victimes : 25 fusillées sur place, 8 sont parties en déportation, deux sont revenues dont mon papa.
Il a été interné dans les camps suivants : Buchenwald – Flossenburg, Hersbruch, commando d’extermination puis Dachau où il fut libéré le 29 Avril 1945 vers 17 h.
C’est lors du 50e Anniversaire de cette tragédie en décembre 1993, que mon mari, François, échange avec mon papa en lui demandant d’écrire ce passé douloureux pour laisser une trace à ses petits-enfants et aussi à nous les enfants qui ne savions pas grand chose.
Il ne voulait pas du tout se lancer dans cette démarche par crainte de revivre tout ça. Nous avons été confrontés à un refus.
Et puis je continue d’insister auprès de Papa. Mes parents passaient l’hiver dans le sud, je lui ai dit qu’il pourrait tout du moins commencer à écrire. A son arrivée à Menton, il m’a dit qu’il voulait bien essayer et se laisse finalement convaincre.
C’est à ce moment-là que je lui ai proposé un fil conducteur. Nous avons beaucoup échangé et il me tenait au courant de l’avancée de son travail ; il m’envoyait régulièrement par courrier des feuillets que je tapais au fur et à mesure. C’est là que J’ai vraiment pris conscience de sa grande souffrance. Je pensais que cet exercice pourrait l’aider à évacuer cette peine qu’il a gardée au fond de lui toute sa vie, comme la plupart des déportés.
En février, nous sommes partis les rejoindre pour une semaine de vacances.
Et là, il m’a annoncé en pleurant qu’il ne pouvait pas continuer, c’était trop difficile à revivre. Il a vu ma déception et je m’entends lui dire « papa si tu penses que ce n’est pas important de nous laisser une trace, ne continue pas ». Je regrette aujourd’hui mes paroles car j’ai compris bien après, ce que je lui avais demandé. Et puis lors d’une promenade en bord de mer, mon papa a dit à mon mari qu’il allait s’y remettre pour nous.
A leur retour en mars, papa est rentré et m’a remis ses derniers feuillets.
Nous lui avons rendu le manuscrit finalisé le 29 Avril 1994, jour anniversaire de sa libération. Il est inestimable pour nous et lui en sommes infiniment reconnaissants.
Il est tombé malade en 1995 et décédé en 2002.